Lors de l’assemblée générale 2021, Suzanne Chevrel, présidente des EEUdF, a présenté son rapport moral, reflet de l’année écoulée et symbole des engagements, projets et ressources pour l’avenir de notre association.
Chèr·e·s ami·e·s,
Difficile de poser un regard sur l’année écoulée et d’en faire une synthèse cohérente. C’est vrai à tout point de vue, et l’on peut, en un sens, se rassurer que les Unionistes ne dérogent pas à la règle.
Particulière, la formule est désormais consacrée. Année particulière, circonstances particulières, il est vrai que cette année ne ressemble à aucune autre. Et en même temps, en regardant les choses factuellement, en lisant notre rapport d’activité, je réalise que notre année ressemble à tant d’années passées : nous avons proposé des activités, nous nous sommes rassemblés – parfois masqués, parfois sur les ondes – nous avons campé, nous nous sommes formés, nous avons joué, chanté, imaginé, grandi ! Et cela grâce aux 1 500 bénévoles qui portent le projet de cette association, sous le soleil, sous la pluie, sous la pandémie.
Des espaces de respiration
Une année compliquée alors ? Ceux et celles impliqué·e·s dans la préparation d’un camp d’été pourront en témoigner, le printemps et ses incertitudes ont été une période particulièrement difficile à vivre. Attentes, protocoles, avancées, reculs, il aura fallu faire preuve d’une détermination et d’une patience à toute épreuve pour mener à bien ces projets. Je pense ici tout particulièrement aux responsables et aux cadres locaux, mais aussi aux coordos et aux équipes régionales qui ont tout au long de cette période déployé une énergie considérable pour accompagner les équipes. Mais une fois la décision actée, quelle simplicité à mettre en œuvre notre projet, quelle évidence du besoin des enfants et des jeunes à vivre du scoutisme, de la rencontre, de la liberté. Et quelle joie de pouvoir proposer ces espaces de respiration, de nature et de bonheurs simples à ceux et celles qui l’ont souhaité.
Une année riche de projets
Une année vide, ou plutôt vidée ? Nous avons déploré de nombreuses annulations cette année dues à la situation sanitaire, mais aussi certains reports. Des camps, mais également des rencontres en scoutisme français, les projets à l’international, des grands coups. Et derrière ces annulations, des équipes bénévoles ayant porté le projet, des décisions prises à contre cœur. Je pense qu’il est important de se rappeler malgré la frustration, qu’il ne s’agit pas là d’engagements perdus. Et à côté de cela, de nombreux projets ont vu le jour, des rassemblements numériques, une croisée ainée inter-régionale, des commissions qui ont poursuivi leurs travaux, des équipes qui pensent à la suite : une équipe de préparation des assises de la branche cadette, dynamique, avec un projet pertinent et essentiel pour la qualité pédagogique de nos activités.
Une équipe Grand Kiff, en lien avec l’EPUDF, qui a su se réinventer et qui prépare une édition 2021 fidèles à ses objectifs de rencontre, de débat et d’expression de ses convictions et de sa foi.
Cette année, bien loin d’être vide, fut riche de projets !
Une année immobile ? Une année passée assis·e·s dans nos salons, devant nos écrans de visioconférence ? Un peu, il est vrai, mais une année tellement animée en termes d’engagements ! Des engagements pour le climat, pour la jeunesse, pour le droit aux loisirs, l’éducation populaire, pour la liberté associative, le respect de la laïcité, à l’échelle de l’association comme parfois plus individuelle. Une année en mouvement donc, vers ce monde meilleur que nous nous efforçons de créer autour de nous. A ce stade, c’est vers le conseil d’administration et son bureau que je me tourne. Quel plaisir d’avoir réussi cette année, malgré les problématiques urgentes et concrètes qui nous occupait, à se positionner dans des enjeux de société, de permettre des débats de fond, et de continuer à affiner nos visions sur le monde qui nous entoure.
Frustrante, fédératrice, saccadée, solidaire, virtuelle mais bien réelle, contraignante, créative, éprouvante, engagée, résiliente, gratifiante.
Bref, une année unioniste pleine de contradiction.
Toutes les actions menées par vous
C’est peut-être très personnel, mais ce qui m’a particulièrement aidé à maintenir un cap cette année, à ne pas me laisser entrainer dans le courant du « mais après tout, à quoi bon ? », c’est toutes les actions menées par vous tous et toutes. Un mail avec une idée nouvelle, sur les réseaux sociaux, les photos de la dernière sortie d’une meute, lors d’une visite de camp, la mise en place créative du protocole sanitaire, qui viennent relancer la motivation qui aurait pu manquer, qui permet de donner du sens à notre action.
On dit que c’est dans les difficultés qu’on révèle nos qualités insoupçonnées. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je pense que cette année nous aura permis de découvrir et redécouvrir la force du maillage de cette association, de ses membres, la résilience de nos groupes, la solidité de notre modèle, la justesse de notre projet.
Alors un grand et franc merci à vous tous et toutes ;
à l’Équipe Nationale, qui a continué d’œuvrer pour le bon fonctionnement de l’association et sa pérennité, nous savons que ça n’a pas été facile, mais vous avez été au rendez-vous, et nous nous lançons sereinement dans l’année qui arrive ;
aux parents et partenaires, qui choisissent de nous faire confiance, cette année encore, cette année particulièrement. Ce soutien nous est précieux et nous allons continuer à en avoir besoin ;
aux bénévoles de l’association, d’avoir fait vivre le scoutisme unioniste, chacun et chacune à sa manière, d’avoir su vous adapter, de votre mieux.
Maintenant, place à la suite. De cette année 2020 que voulons-nous conserver ? Sur quoi allons-nous nous appuyer pour prendre notre élan pour l’année qui arrive ?
Des avancées dans nos chantiers
Nous nous sommes quittés l’année dernière à Issy les Moulineaux avec beaucoup d’ambitions, de nombreux chantiers en cours et un programme chargé pour 2020.
L’adoption d’un nouveau rapport d’orientation pour commencer, qui a vécu sa première année de prise en main par les équipes locales, infusé les activités et animé les discussions en équipe de responsables, en formation. Un rapport d’orientation concret qui nous pousse à l’action ! Et comme il nous le rappelle si bien « Faire mouvement c’est partager des objectifs et des moyens mais aussi vivre ensemble, partager des valeurs, débattre et accueillir la différence ; c’est se retrouver dans un état d’esprit et des façons de faire qui nous façonnent et nous motivent », cette année comme les suivantes.
Ensuite, un chantier sur notre modèle économique qui nous anime depuis quelques années, cette année n’aura peut-être été celle d’un « retour à la normale », mais elle nous aura néanmoins permis d’expérimenter des choses, de pousser plus loin nos réflexions sur nos financements. C’est un travail qu’il va falloir continuer en l’adaptant sans cesse à la situation, mais il est tranquillisant de voir que nous progressons, que nous apprenons.
Enfin, notre chantier gouvernance, bien sûr. L’année dernière nous adoptions un ensemble de propositions concernant notre structuration, nos fonctionnements. Ces changements ont été testés, réfléchis, mis en place dans les régions, chacune à son rythme. Bien évidemment, ce contexte ne nous a pas permis d’aller aussi loin que nous le souhaiterions dans la mise en place et dans le retour d’expérience, mais soyons honnêtes : nous voulions ajouter de la flexibilité dans nos fonctionnements, nous avons été servis ! Bien obligés d’imaginer, d’improviser, de tester.
En conseil d’administration nous avons consacré une bonne partie de notre année à nous projeter sur la suite de ce chantier : notre modèle démocratique. Je peux vous assurer que les débats sont passionnants.
Quand nous avons pris la décision de ne pas mettre ce chantier gouvernance à l’ordre du jour de l’AG de janvier mais plutôt de créer une occasion, une nouvelle façon de faire avec cette Assemblée Générale Exceptionnelle début septembre, nous avons été particulièrement enthousiastes à l’idée de disposer de plus de temps pour faire vivre ce débat. Plus de temps en amont pour prendre connaissance des sujets, et plus de temps sur place pour les discuter.
Puisque nous touchons aujourd’hui dans ce chantier à la question de l’organisation démocratique, les modes de prise de décision, de représentation, dans le but de les rendre plus simples, plus lisibles, plus accessibles, il est opportun de mettre ces ambitions en pratique.
Et nous avons hâte de partager avec vous nos réflexions, de prendre vos avis, d’en discuter, d’imaginer, de se projeter et de faire vivre le débat démocratique dans l’association autour de sujets si cruciaux.
Des occasions à ne pas manquer
Cette année nous a rappelé de façon brutale à nos fondamentaux. Qu’est-ce que c’est que faire vivre du scoutisme ? Puisque ce n’était plus si simple à mettre en place dans sa forme habituelle, alors comment faire pour revenir à la base à ce qui nous anime : faire grandir des enfants, les rendre acteurs et actrices de leur épanouissement. Revenir à l’ambition déjà immense de ce simple objectif et ne pas le perdre de vue, cela me semble un rappel à ne pas laisser passer.
Paradoxalement, c’est aussi une année qui nous a poussé très loin dans notre créativité.
Je pense que nous aurions tout à gagner de faire perdurer l’immense créativité dont ont fait preuve les responsables et cadres du mouvement pour permettre de faire vivre le scoutisme autrement, bien loin de nos habitudes. Et cela ouvre un champ des possibles enthousiasmant !
L’année passée, et particulièrement les périodes de confinement, ont été propices aux actions de service, individuelles ou collectives et aux rapprochements avec des associations partenaires, aux projets engagés et solidaires. Face à une société qui doit à tout prix reprendre le chemin de la lutte contre les inégalités, je pense que nous avons un rôle à jouer. Remettons le sens du service au cœur de notre action ! Nous savons à quel point il est riche pour les jeunes que nous encadrons.
Un centenaire à célébrer
Cette année nous fêtons les 100 ans de la création de la Fédération Française des Eclaireuses, et c’est une occasion de célébrer notre histoire et notre parcours pour qu’ils viennent éclairer notre présent.
L’occasion de redire notre attachement à éduquer les filles et les garçons à des relations harmonieuses, à faire une place pleine et entière aux filles et aux femmes dans notre mouvement comme dans notre société. L’occasion de mettre en lumière des femmes du passé et du présent et leur manière unique d’être éclaireuses, de vivre le scoutisme au féminin, l’engagement au féminin.
Pour moi ça a aussi été l’occasion de discussions, de partage autour de ce centenaire avec ma grand-mère. Une expérience que je vous recommande – avec ma grand-mère si vous le souhaitez mais de manière plus générale avec des anciennes éclaireuses. C’est tellement enrichissant de réaliser tout ce qui a changé, mais surtout ce qui est resté parfaitement identique : le sentiment de liberté éprouvé lorsque enfant ou adolescente on part en camp, le bonheur d’être responsabilité et de se sentir reconnue, capable. Et bien sûr, les histoires de répartition de la vaisselle des gamelles.
Je voudrais finir ce rapport moral par une citation de Antoinette Butte qui a participé à la création de la FFE et qui a par la suite créé la communauté religieuse de Pomeyrol consacrée à la prière, à la retraite et à l’accueil des jeunes. Citation que je lis comme un clin d’œil à notre actualité, en cette année de centenaire.
Extrait de son recueil Semences, lettre du 13 mai 1981.
« Je médite : quand le monde s’auto-détruit, se pourrit et souffre trop, Dieu dit « non » et arrête tout.C’est dans la grande Mémoire collective de l’humanité, le Déluge ou la Tour de Babel, Babylone ou Rome, etc. Mais Dieu préserve les arches de Noé – ou, ce qui est mieux encore, //selon les derniers mots de la Tour de Babel, ce qui me plait bien (Genèse 11,9), // renvoie chacun à sa « communauté de base » à taille humaine, où il peut vivre et mourir en sachant qui il est et ce qu’il fait, à sa mesure. J’attends donc le grand crac sans angoisse et sans craintes. (Je ne le verrais pas mais les générations qui suivent y sont déjà et seront de mieux en mieux adaptées). Toute ma foi en Dieu s’en affermit encore. Pour le présent je m’efforce de construire une Arche parmi d’autres … A Dieu le reste… »
Antoinette Butte, co-créatrice de la FFE et créatrice de la communauté religieuse de Pomeyrol
Pour ma part, je suis heureuse de participer à la construction de cette Arche unioniste avec vous.
Je vous remercie de votre attention.
Suzanne Chevrel, présidente des EEUdF le 31 janvier 2021
Photographies : Patrick Balas, Roxane de Pol, EEUdF Cvn, Privas, Julie BL, Clichy Levallois
Créations graphiques : Vincent Leclerc, Astrales