Master en scoutisme, Bts campisme ou Doctorat ès Grands Jeux ne sont pas (encore) des diplômes qui, mis sur votre CV, éclaireraient d’un magnifique sourire confiant le visage du recruteur en face de vous et vous ouvriraient les portes de l’emploi de vos rêves… Et pourtant, en tant qu’association de scoutisme et d’éducation populaire, nous sommes bien tous persuadés de la pertinence qu’il y a à parler de nos expériences scoutes à l’extérieur. Ce n’est certes pas toujours facile de « traduire » nos compétences scoutes dans un langage qui colle aux attendus du monde du travail. Encore que, « travail en équipe » et « gestion de projet » me semblent plutôt clairs pour tout un chacun.
Arrêtons les préjugés sur la jeunesse
« Jeunesse en première ligne de la crise », « l’emploi des jeunes alarmant », « jeune diplômé cherche désespérément première expérience », autant de titres que l’on voit fleurir un peu partout : la société, l’État, les médias n’ont de cesse de cibler « la jeunesse » comme une priorité absolue. Au regard de cela, nombreux sont ceux qui, au-delà d’une crise évidente, dotent la jeunesse de caractéristiques peu valorisantes : une génération fêtarde, zappeuse et incapable, la génération « Y » aurait laissé la place à une génération indéfinissable mais peu avantagée.
Face à ces stigmatisations prégnantes de la jeunesse, insurgeons-nous! Le rapport de France Bénévolat en 2013 annonce plus de 3,3 millions de jeunes engagés bénévolement, soit une progression de plus de 30% depuis 2010. alors, jeunesse oisive ? Non, nous ne le croyons pas, le bénévole scout unioniste en est la preuve et, en plus de son engagement, il est compétent !
Le scoutisme, une solide formation
Le scoutisme depuis ses prémices se pose comme une école de la vie. Les Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France l’affirment même comme un lieu d’éducation complémentaire à la famille et à l’école. En effet, pour la plupart des bénévoles engagés dans l’association, c’est dès leur plus jeune âge que la méthode scoute unioniste a commencé à porter ses fruits: responsabilités, progression personnelle, engagement, tout autant de pieds d’ancrage qui, au fil de la vie, vont donner à chacun de réelles connaissances et une expérience riche pour la vie adulte.
Tous ces acquis sont une force, et c’est en tant que bénévole auprès des enfants ou des autres adultes de l’association que l’épanouissement de compétences, de savoirs et de système de valeurs va prendre tout son sens, au service du Mouvement certes, mais aussi au service de nos vies personnelles et professionnelles.
C’est dès leur plus jeune âge que la méthode scoute unioniste a commencé
à porter ses fruits: responsabilités, progression personnelle, engagement.
Dans l’exercice de leurs fonctions bénévoles, responsables et cadres acquièrent ou approfondissent des savoir-faire et savoir-être très diversifiés. Certains sont évidents, d’autres moins. Si l’on prend par exemple les formations à l’animation dispensées dans l’association, il est facile d’identifier leurs apports ; de plus, elles s’accompagnent de l’obtention d’un diplôme ou d’un titre. Par là même, il est assez aisé de pouvoir témoigner de ses acquis. Or, dans le cadre du scoutisme, de même que dans tous les engagements bénévoles, les capacités ou compétences développées le sont souvent dans un cadre dit « non-formel ». Ces compétences sont définies comme acquises lors de l’exercice d’une activité, d’un projet ou encore de la vie quotidienne. L’apprentissage n’y est pas structuré en termes de temps, d’objectifs ou encore de ressources. C’est tout ce qu’on apprend sur le tas, en faisant, en agissant. Bien sûr, ce « non-formel » n’exclut pas parfois le besoin de savoirs théoriques pré- existants, acquis dans des cadres plus formels. Il n’est pas toujours évident de faire reconnaître ces compétences en dehors de son champ d’acquisition. L’exemple même est le cadre proposé par la VAE (validation des acquis par l’expérience) qui va donner le moyen à des individus de valoriser des compétences acquises non formellement en les réinjectant dans un cadre formel pour l’obtention d’un diplôme, reconnu par tous. Pas si simple !
Bénévolat scout: une expérience «professionnelle » ?
La France est l’un des pays d’Europe où les jeunes sont les plus diplômés. On pourrait donc simplement se flatter de produire des têtes bien pensantes, mais le bât blesse dès que l’on re- garde les chiffres, puisque le passage du sta- tut d’étudiant à celui d’actif n’est pas si aisé. D’après l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) le taux de chômage en novembre 2015 est de 23,4% pour les jeunes de 15 à 24 ans en France. Le système éducatif français est en effet bien en retard sur d’autres pays européens notamment en ce qui concerne la question de l’expérience professionnelle. Nos cursus universitaires prévoient peu d’ancrage dans le secteur professionnel et, de fait, la fameuse « première expérience » que l’on demande dans le cadre d’un recrutement fait défaut.
Un bénévole engagé au sein de l’association, c’est un acteur qui s’engage dans des réalisations concrètes, mesurables et valorisables. Il est sûr que si l’on s’arrête à « scout toujours », la « BA », « l’uniforme », toutes ces images qui font la vie dure au monde du scoutisme, on a du mal à voir ce que le scoutisme va nous apporter dans la société. voilà pourquoi il est important de porter un regard plus large sur ce que chaque individu fait dans l’exercice de ses fonctions. Manager une équipe, organiser un projet, organiser une vie collective, gérer une comptabilité ou des conflits sont tout autant d’exemples de savoir-faire inexorablement recherchés dans le monde du travail. Il faut savoir les extraire et les mettre en avant, dans les recherches d’emplois notamment.
Dès lors, conscient de ses acquis, il faut savoir les valoriser à l’externe, pour les études, la re- cherche d’emplois ou encore d’autres engage- ments volontaires. Avant de crier sur tous les toits que le bénévole unioniste est génial et pétri de compétences, il faut nous poser la question de ce qui est à mettre en avant. Le discours et la posture sont importants. nous avons toutes et tous de nombreuses capacités que nous pouvons faire valoir, or dans le monde professionnel c’est bien la compétence qui importe. La compétence est un ensemble de capacités exprimées concrètement et à plusieurs reprises. Et c’est bien cette expression de capacité qui est mise chaque jour en œuvre par un bénévole au sein de l’association. C’est là-dessus que chacun doit s’appuyer pour faire valoir un engagement dans une fonction unioniste comme une expérience concrète, bénévole certes, mais quasi professionnelle !
Vers une reconnaissance
Dans une enquête menée par la Commission Européenne en 2010 auprès de plus de 7000 entreprises, « Employer’s perception of graduate employability», les employeurs mettaient principalement en avant les capacités recherchées suivantes : la capacité à travailler en équipe, la communication, la capacité de s’adapter à de nouvelles situations, la capacité à planifier, organiser ou encore celle de prendre des décisions. Il nous semble ici pouvoir très facilement raccorder celle-ci à de nombreux acquis de l’engagement bénévole au sein du scoutisme. Ainsi pour la France, 55% des entreprises considèrent la capacité à travailler en équipe comme « très importante » en vue d’un recrutement. Mais lorsqu’on demande à ces entreprises leur niveau de satisfaction sur cette même compétence dans le cadre des personnes diplômées recrutées récemment, elles ne sont que 15% à être « très satisfaites ». Un besoin existe, et le scoutisme est clairement à même d’y répondre !
Le secteur associatif, soudé, tente depuis de nombreuses années de faire valoir tous ces acquis dans le secteur professionnel.
Si le rapport de l’Union Européenne précité est encourageant, cela ne signifie pas pour autant que la cause est acquise. Le secteur associatif, soudé, tente depuis de nombreuses années de faire valoir tous ces acquis dans le secteur professionnel. En témoignent des évolutions concrètes telles que les Unités d’Enseignement (UE) « Engagement associatif » dispensées dans de nombreuses universités ou encore des accès spécifiques laissés aux bénévoles dirigeants pour certains concours. Cependant « Je suis scout.e » ne suffit pas aux yeux du grand public et à de nombreux employeurs ou responsables des ressources humaines. Si nous sommes convaincus de la plus-value indéniable pour une entreprise de pouvoir compter dans ses rangs quelqu’un qui aura vécu le scou- tisme, cela n’est pas une évidence pour tous. C’est bien un travail individuel que doivent mener les bénévoles pour identifier les compétences sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour faire de leur expérience scoute les leviers de leur engagement professionnel et de société. Les mouvements de scoutisme, en lien avec les acteurs de l’éducation populaire et du secteur associatif, se mobilisent pour aider les bénévoles à faire reconnaître leurs statut et compétences, tout en incitant les pouvoirs publics à mettre en place des outils et des procédures pour faciliter cette reconnaissance. c’est en affirmant collectivement et fièrement nos savoirs scouts que la société civile évoluera vers une meilleure reconnaissance de nos acquis dans le cadre non-formel qu’est le scoutisme.