Gestion de conflit n°1 : Le retour d’explo

En avril, lors d’un déjeuner-débat autours de la gestion de conflit, des resps ont interpelé la commission éducation à la paix pour leur soumettre des cas concrets de conflits face auxquels ils auraient voulu être mieux armés pour gérer la situation. Leur vécu ressemble sûrement au votre ! Je vous laisse découvrir aujourd’hui un premier cas abordé : « le retour d’explo ».

BenJ : Cet été, au retour d’explo, deux éclais étaient en conflit, Alain est énervé car il a du porter le sac de Marc, et Marc en a eu marre de trop marcher, de toute façon il avait milité pour choisir un trajet d’explo plus facile. Et ils en viennent à s’insulter. Qu’est-ce qu’on doit faire ?

explo

Arthy : Est-ce qu’il faut les séparer ? mais une fois qu’ils reviendront ensemble, le conflit va repartir comme avant…

BenJ : Oui mais ça sert à rien aussi de venir leur faire la morale…

CoPaix : Voici un cas bien concret qui sent le vécu ! Alors on va devoir commencer à se poser un certain nombre de questions, et pour commencer : « moi en tant que resp, suis-je partie prenante au conflit ? »

BenJ : Non

CoPaix : Ok super ! donc ça c’est un atout formidable pour pouvoir gérer sereinement le conflit. Surtout je dois essayer de rester en dehors ; si je viens et que je dis à chacun ce qu’il devrait faire… je risque de devenir un des acteurs du conflit… donc pour l’instant il est urgent de ne rien faire… tant qu’on n’a pas répondu à une deuxième question : « Quel serait mon objectif en cherchant à m’occuper de ce conflit ? »… Je vous écoute.

CatLyn : Qu’ils se disent ce qu’ils ont sur le cœur…

Arthy : Pas forcément qu’ils soient les meilleurs potes du monde… mais…

CoPaix : Concrètement, il y a pleins de conflits qui dont on peut s’accommoder. Mais là les deux éclais sont dans la même équipe ?

BenJ : Oui !

CoPaix : Pour la suite du camp, de quoi ont-ils besoin ?

BenJ : Il faut qu’ils puissent vivre ensemble en équipe sans se sauter à la gorge à la moindre occasion…

CoPaix : Ok, donc ça sera ça l’objectif : qu’ils puissent passer la fin du camp sereinement ensemble. Et ça sera aussi ça la motivation des deux éclais à résoudre leur conflit.

On arrive à une troisième question : quelle stratégie je peux mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ?

Arthy : Il faut qu’ils discutent… mais si on les laisse discuter tous seuls, ils vont se remettre à s’insulter !

CoPaix : Ok, donc il faut qu’ils discutent.

Arthy : Ben oui, mais si on fait ça ils vont s’étriper à nouveau…

CoPaix : Ce risque existe, il va falloir le prendre en compte ; mais peut-on atteindre notre objectif sans que Alain et Marc discutent ?

BenJ : Il y a sûrement un moyen, mais je ne le connais pas…

CoPaix : Moi je ne le connais pas non plus.

BenJ : J’ai entendu parler d’une méthode, mais je ne l’ai jamais essayée : on demande à chacun d’écrire sur un papier ce qu’il reproche à l’autre, et ensuite on transmet les papiers…

CoPaix : Ok, c’est donc une forme de discussion, mais par le biais de l’écrit. Quoi qu’il en soit il faudra qu’ils discutent, et il existe le risque qu’ils s’étripent si on les laissent faire seuls. Il va donc falloir gérer ce risque. Passer par l’écrit peut être une solution. Une autre solution est de faire appel à une tierce personne. Cette tierce personne, ça peut être un médiateur, un conciliateur, un resp… Si on choisit la médiation, le rôle du médiateur sera de garantir un cadre de parole dans lequel par exemple on ne s’insulte pas.

Arthy : Oui, mais ils peuvent discuter sans que ça ne résolve le problème…

CoPaix : Oui, s’ils discutent de la pluie et du beau temps, le problème ne sera pas résolu.

Arthy: Oui, il faut qu’ils trouvent des solutions.

CoPaix : On a un conflit, et il faudra arriver à des solutions… mais n’allons pas trop vite, il y a tout un processus qui va nous aider à passer de l’un à l’autre. Là encore le médiateur aura pour rôle de structurer la discussion pour que d’abord chacun puisse exposer les faits tels qu’il les a vécu : « moi j’ai du porter 2 sacs pendant toute la journée ! / moi j’avais mal au pieds et à chaque fois que j’arrivais à rejoindre le groupe, il se remettait en route, je n’ai pas eu droit à une seule pause ! » Etc… Puis chacun devra expliquer comment il a vécu ça, d’un point de vue émotionnel :  » j’étais en colère / j’étais écœuré / je me suis senti mis à l’écart / j’avais l’impression d’être la bonne poire… » Ensuite chacun est invité à se mettre à la place de l’autre et imaginer qu’à sa place il aurait ressenti à peu près la même chose…

Les deux vont découvrir qu’ils ont vécu la même expérience : une explo pourrie. Ce qui les divisait peut désormais les rassembler ! Cette phase-là dans une médiation est essentielle, c’est souvent là que les tensions s’apaisent.

Ensuite les solutions apparaissent souvent naturellement : « bah je te propose que la prochaine fois qu’il y a des décisions importantes pour l’équipe à prendre, on fasse un vrai conseil d’équipe, tu sais avec un ordre du jour, un vrai tour de table, plutôt que de décider de tout à l’arrache au moment du dîner… »

Et hop, la solution qui émerge est finalement bien éloignée du « J’arrête de t’insulter mais toi tu arrêtes de baver dans mon dos » qu’on aurait pu imaginer de prime abord.

 

Découvrez la fiche technique qui résume le cheminement de pensée que nous avons suivi pour analyser le conflit : http://bibli.eeudf.org/documents/processus-de-gestion-de-conflit/