Gestion de conflit n°3 : « avec les parents… »

En avril, lors d’un déjeuner-débat autours de la gestion de conflit, des resps ont interpelé la commission éducation à la paix pour leur soumettre des cas concrets de conflits face auxquels ils auraient voulu être mieux armés pour gérer la situation. Après avoir parlé des conflits vécus par les jeunes, arrive une question sur une situation de conflit vécu en premier par nous, les resps : un conflit « avec un parent » !

Epik : Moi aussi j’ai une question ! Comment faire quand il y a un conflit avec un parent ? J’ai la mère d’une éclaireuse qui m’a fait un mail de 10 pages parce qu’elle n’était pas contente de ne pas encore avoir les dates du camp, en m’expliquant que c’est inadmissible. Le truc c’est qu’on attend d’avoir nos dates d’examens… C’est ce que je lui ai expliqué dans mon mail. Et elle répond avec encore un mail de 10 pages, et quand je lui ai rappelé qu’on est bénévole et qu’on n’est pas dans un rapport de « service » avec les parents, elle a répondu qu’elle est avocate, qu’elle connaît bien la notion de service et que je n’étais pas légitime à m’en prévaloir, etc… Mais surtout j’aimerais arriver à ce qu’elle comprenne que je n’ai pas le temps de répondre à des mails de 10 pages.

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CoPaix : Je vois, c’est un sujet de conflit classique avec des parents. Gérer un conflit ça demande forcément du temps, de l’énergie. Si tu ne souhaites pas y consacrer du temps, ça veut dire qu’il faut que tu te poses deux questions :

« Est-ce que j’ai vraiment envie que ce conflit soit réglé ? » (oui, parfois on serait bien content que telle famille quitte le groupe local car elle pourrit l’ambiance depuis des années…) Puis, si on décide de gérer le conflit : « Qui est le mieux placé pour gérer ce conflit ? » Et si toi tu n’as pas le temps de le faire, ça sera forcément quelqu’un d’autre.

Epik : Non, c’est à moi de le faire.

CoPaix : Selon qui ? Selon quelle norme ?

Epik : C’est moi la chef d’unité, et la plus expérimentée dans mon équipe

CoPaix : Donc si c’est quelqu’un de ton équipe qui devait s’en occuper ça serait toi. Mais qui a dit que c’est quelqu’un de ton équipe qui doit le faire ?

Epik : Parce que l’ancienne chef d’unité est partie et qu’elle a déjà beaucoup donné pendant 5 ans, je n’ai pas envie de la solliciter pour ça.

CoPaix : Si je comprends bien toi tu n’as ni le temps ni l’énergie pour le faire, mais tu ne souhaites solliciter personne pour le faire… Donc il y a toutes les chances pour que ce conflit ne soit pas géré.

Epik : Eh bien si, j’ai finalement réussi, en m’écrasant. Même si je ne le pensais pas je me suis excusé… Mais j’aimerais savoir comment faire pour faire comprendre au parent qu’on est des bénévoles…

CoPaix : J’entends ta demande d’avoir des outils techniques pour répondre à un tel mail… Ce que je te dis depuis tout à l’heure semble te déranger, mais la question est fondamentale : tu m’as dit que tu ne voulais pas consacrer du temps à répondre à mail long et agressif, donc il est important de réfléchir à qui peut s’en occuper, en dehors de ton équipe.

CatLyn : Tu peux demander à ton cadre local,

CoPaix : Oui par exemple…

Epik : Je devrais demander à Zoé-Rose…

CoPaix : Il semble que tu as identifié une personne ressource ! En effet tu peux solliciter ton CGL, ton équipe régionale, un ancien du groupe, ou même le réseau des médiateurs nationaux (mediateurs@eeudf.org).

Maintenant j’ai bien entendu ta demande de conseils pratiques pour répondre à ce genre de mail. Ce que je préconise est d’utiliser la CNV : la communication non-violente. C’est-à-dire que tu structures ton discours en faits – émotions – besoin – demande, en commençant par reformuler le mail reçu.

En l’occurrence ça donnerait « J’ai lu votre mail, et je note que le fait de ne pas connaître les dates du camp vous empêche de vous organiser, et vous soulignez qu’étant séparée du père de X, vous avez plus encore besoin de pouvoir anticiper l’organisation de l’été. Face à cette situation, vous exprimez de l’agacement. Comme je vous l’ai indiqué les dates du camp ne pourront être fixées qu’une fois que nous connaîtrons nos dates d’examens, ce qui nous sera communiqué à une date que je ne maîtrise pas. Soyez assurée que je vous en informerai sans délai dès qu’une décision aura été prise. »

EPik : Oui c’est ce que je lui ai dit dans mon mail, mais là elle a répondu (encore 10 pages de mail !) qu’elle était un parent modèle qui répondait toujours très vite aux mails, qu’elle était tellement gentille de nous confier sa fille, et qu’on ne savait pas gérer… et elle s’est même offusqué que je cherche à la faire culpabiliser avec mes préoccupations d’étudiantes… le truc hyper condescendant quoi !

CoPaix : Alors dans les longs mails comme ça, surtout ce n’est pas nécessaire de répondre à tout. À t’écouter j’ai l’impression qu’il n’y a aucune demande qui t’est adressée dans son mail, juste elle déblatère sur toi… Donc si elle ne demande rien… tu n’as rien à lui donner ! Tu peux lui répondre en substance : « Je comprends que vous soyez énervée, mais les mots que je lis me blessent car je me sens attaquée. Par ailleurs je n’ai pas identifié de demande concrète qui me serait adressée dans ce mail ; n’hésitez-pas à revenir vers moi avec une demande précise le cas échéant. »

Epik : Si j’écris ça je risque de me brouiller avec la fille de cette maman…

CoPaix : Te brouiller avec sa fille ? Tu veux dire que la mère pourrait retirer sa fille du mouvement ?

Epik : Oui sans doute…

CoPaix : Peut-être, mais il faut aussi te protéger… tu peux même ajouter dans ton mail une demande : « De mon côté j’apprécierais particulièrement que vous preniez le temps de synthétiser vos messages, afin de m’envoyer des mails de taille plus modeste en allant à l’essentiel. Je pourrais ainsi consacrer plus de temps à la préparation des activités de l’unité. »

Epik : Franchement, je ne me sens pas d’écrire ça !

CoPaix : C’est pas obligé… et au risque de me répéter : n’hésite pas à solliciter quelqu’un d’autre pour répondre à ce parent. Si la personne qui répond n’est pas impliquée émotionnellement, ça sera plus facile pour elle de trouver les mots justes.

Epik : Mais est-ce que c’est possible d’arriver à ce que les parents comprennent une fois pour toute…

D-Zel : Peut-être qu’il faut le dire en réunion de rentrée qu’on est bénévole, étudiants…

CoPaix : Il faut le dire, c’est sûr… Mais vous aurez toujours des parents qui de par leur culture, leur milieu socio-professionnels, etc… croiront qu’ils sont en position de vous juger, de commander, d’exiger… et quand vous aurez réussi avec une famille, de nouveaux éclais rejoindront l’unité ! Il faut réussir à composer avec ça encore et encore… Souvent le CGL est un bon allié pour ré-expliquer aux parents quel genre de relation on attend qu’ils aient avec les resps, les autres parents, quel niveau d’implication on attend d’eux…

 

Découvrez la fiche technique qui résume le cheminement de pensée que nous avons suivi pour analyser le conflit : http://bibli.eeudf.org/documents/processus-de-gestion-de-conflit/