Dans notre unité, les enfants s’insultent beaucoup !
…et si notre projet pédagogique visait à bannir les insultes ?
Tout d’abord, il faudra travailler avec les enfants sur la définition de l’insulte.
Qu’est-ce qu’une insulte ? Et qu’est-ce que ça n’est pas ?
Il y a souvent confusion entre insulte et gros-mot. Dire « la bouffe est à gerber », ce n’est pas très joli, mais ça n’est pas une insulte ! En revanche, si je dis « les membres de l’équipe de cuisine sont des incapables « , je n’ai pas dit de grossièreté, mais je les ai insultés.
Il n’y a plus qu’à imaginer un grand jeu où on doit faire le tri.
Les insultes qui insultent le monde entier
Au-delà de leur côté dégradant pour la personne visée, les insultes véhiculent leur train de connotations dégradantes qu’on attache aux mots utilisés.
En effet, la plupart des insultes sont sexistes, homophobes ou racistes. En les utilisant, ce sont toutes les femmes, tous les homosexuels, tous les étrangers, tous les handicapés qu’on insulte. Ces insultes utilisent des mots d’argot dont il est intéressant de connaître le sens premier, « Avorton », « Bâtard », « Con », « Débile », « Enculé », « Pute »…
Et si on proposait une activité pour redonner leurs vrais sens aux mots ?
Des insultes, juste pour rire ?
Dans l’enfance, et plus encore à l’adolescence, les jeunes qui s’apprécient jouent à s’insulter « pour de rire », voire « affectueusement ». Le jeune enfant dira « Caca pourri » à son meilleur camarade sans qu’il ait de reproche sous jacent à lui faire. Les adolescents s’adresseront avec le plus grand sourire « Salut petite pute », formule connue pour être plus dans le vent qu’un simple « bonjour ». Ils sont également prompts à se donner des surnoms, pas toujours très bienveillants. Untel qui louche sera « Nœnœil », tel autre sera « Dumbo », etc.
En réalité, ces insultes « juste pour rire » font souvent du mal : soit parce qu’elles blessent, soit parce qu’insidieusement, elles viennent saper l’estime de soi de celui qui se voit qualifié négativement par ses camarades.
Le mécanisme est particulièrement pervers : on demande à la « victime » d’être « bon joueur » et de rire avec les autres de ce qu’on lui fait subir… c’est le même mécanisme qu’on dénonce dans les jeux à humiliation, interdits dans le mouvement (DPAU…)
Dire qu’il est interdit de s’insulter ne suffit pas.
En tant qu’éducateurs, nous devons donner du sens aux règles.
Un point d’entrée fort pour donner du sens à cette règle est de faire identifier par les enfants ce qu’ils ressentent lorsqu’ils se font insulter, ou lorsqu’un autre se fait insulter.
Évidemment, la pédagogie de l’exemple a ici toute son importance. Si au sein de l’équipe vous avez l’habitude de vous taquiner avec des petits mots piquants, vous devrez vous aussi faire un effort pour être attentifs à ces tics de langage.
D’accord on ne s’insulte plus, mais on fait quoi à la place ?
En tant qu’enfant, si tu me retires l’insulte… je suis un peu démuni ! Tu dois me proposer autre chose en échange pour exprimer mon désaccord : pourquoi pas le message clair ? L’expression des émotions ?
« Je suis exténué, et quand tu démâtes notre tente en pleine nuit, je suis passablement agacé. J’aimerais que tu t’occupes de la remonter pendant que je vais dormir dans ta tente »… est sans doute plus constructif que le classique « Fils de pute tu vas me le payer ! ».
Bon, c’est pas tout, mais ça ne suffira sûrement pas de faire quelques jeux où on apprend ce que sont vraiment les insultes…
…eh oui, il est temps d’utiliser tous les outils de la pédagogie scoute :
* la loi :
« dans la bonne humeur » nous dit la loi des louveteaux
« conserve bonne humeur et maîtrise de soi, même dans les difficultés, vit en équipe, apprend à écouter et à partager » nous dit la loi des éclais.
* la charte / les règles de vie : avez-vous pensé à y préciser qu’on avait décidé de ne pas s’insulter ? Avez-vous trouvé une formulation positive pour exprimer cette règle ?
Un suivi pour progresser
Par exemple au moment du repas, un enfant sur chaque table est responsable de compter toutes les insultes qui sont dites. Les resps tiennent à jour un graphique, et le point est fait avec les enfants à chaque RASS du matin. C’est aussi une façon de montrer à tous que c’est un sujet qui vous tient à cœur, et rappelez-vous, le simple fait de parler d’un problème aura pour conséquence de le faire diminuer…
Ensuite, donnez-vous du temps, les habitudes ne se changent pas du jour au lendemain,… et ne réagissez pas trop fort en cas de transgression : un simple « Marc-Alban, pas d’insultes ! » est souvent bien suffisant lorsqu’on en entend une.