Imaginez un magasin de porcelaines de Limoges ou de Chine avec ses piles d’assiettes plus ou moins bien empilées, des assiettes pas toujours assorties, des assiettes fines ou épaisses, avec des motifs modernes, plus classiques voire carrément vintage. Imaginez des plats de toutes les formes, des ronds, des allongés, des sans forme précise, des plats juste sortis des fours de cuisson ou des plats ayant visiblement déjà été présentés, peut être sur des grandes tables de ce monde. Imaginez des services recomposés avec des pièces fêlées ou ébréchées ou vierge de toute usure du temps, de couleur pastel ou criarde, avec des tons unis ou colorés. C’est l’art de la table.
Imaginez maintenant un éléphant, symbole de la force mais aussi, alors qu’il ne demandait rien à personne juste de vivre paisible en brousse, symbole d’un holocauste, son étoile jaune étant ses défenses d’ivoire. Imaginez cet éléphant balourd, emprunté, pesant mais élégant et classe dans sa nature d’éléphant, entrant dans ce magasin de porcelaine. C’est l’art de l’étable. Peut être que l’éléphant voulait juste visiter ce magasin, juste trouver une idée de cadeaux pour faire plaisir autour de lui. Peut être que l’éléphant voulait montrer, par sa seule visite, qu’il considérait hautement ce magasin. Peut être que l’éléphant souhaitait saluer comme il se doit le gérant du magasin. Peut être que le magasin n’était pas suffisamment ouvert, accessible et accueillant.
Je vous laisse imaginer la suite …
Les relations humaines, la communication entre personnes sont très souvent une épreuve de haute gageure. Même si notre intention n’est pas de blesser ou contrarier, il nous arrive, bien lourds et pesants, de mettre les pieds dans les plats, de renverser quelques piles d’assiettes après un faux moment, de fêler quelques pièces suite à un mouvement de manche déplacé, une parole mal venue, un mot mal interprété. Les échanges entres personnes ne relèvent pas d’une science exacte. Malgré tous les livres sur l’Art de la communication celui dont vous auriez besoin, dans le cas présent, est celui qui reste à écrire. En matière de dialogue rien n’est prévisible ni acquit, rien ne nous permet jamais de valider une fois pour toute une manière de faire, une manière de savoir dire, une manière de savoir être.
Nous sommes tous des éléphants en puissance et nous sommes tous bien évidemment des piles d’assiettes, plus ou moins fragiles, plus ou moins assorties, avec nos formes et couleurs, notre histoire, nos fêlures béantes ou non.
Les éclaireurs unionistes ne sont bien évidemment pas exonérés des difficultés de communication. Piloté par des administrateurs nationaux, découpé en régions puis en groupes locaux puis en branches puis en 5000 adhérents, notre mouvement d’éducation populaire tente de faciliter le flux d’informations. Sons de cloches plus ou moins fêlées, émetteur défaillant et récepteur inattentif, bruit qui court dans des champs de vision différente, tout pourrait être réuni pour entretenir discordances, cacophonies, incompréhensions et tensions.
régions et les administrateurs permet de donner ses avis, de proposer ses remarques sans que cela soit pris pour critique. Les formations à la communication non violente, l’usage sans modération des oreilles de girafe fluidifient notre sang scoute, réduisent les calculs, résorbent les «poings de côté», annulent les pierres d’achoppement. La CNV nous rappelle que nous sommes à la fois éléphant et magasin et inversement.
L’éléphant veut simplement entrer dans le magasin pour entrer en contact. Il peut briser la glace, ô joies, il peut briser les rêves et illusions, ô désespoir. Nous souhaitons simplement entrer en communication. Nous pouvons être copains (couper le pain et plus généralement partager idées et avis), ô joies, nous pouvons être coupants, ô désespoir.
Les relations humaines, toujours à fleur de peau, c’est pachyderme que cela.
Georges DE MICHEAUX