Lors de l’assemblée générale (AG) des 26 et 27 janvier 2019 à Besançon, Pierre Msika a présenté son dernier rapport moral de président des Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France.
Rassemblement statutaire, l’AG était organisée par l’équipe régionale Franche-Comté Bourgogne Pays-de-Montbéliard et avait pour folklore le monde de Harry Potter.
Mes chers amis, mes chères amies,
Je m’en excuse par avance, mais ce rapport moral revêt une importance particulière pour moi, autant qu’une charge émotionnelle forte.
En effet, il est pour moi le point final … ou devrais-je dire le point de suspension d’un engagement qui a rythmé ma vie depuis mes 8 ans. Depuis mon premier camp ou je suis parti la boule au ventre, et au gré des responsabilités qui m’ont été confiées, j’ai grandi dans ce mouvement.
26 ans après, c’est avec une émotion toute particulière que je dis « à bientôt » à un mouvement que j’ai chéri. 26 ans de scoutisme, c’est un engagement fort dans une vie, que je crois avoir mené avec le sourire, au moment ou j’ai chaussé les différentes responsabilités qui m’ont été confiées, mais aussi au jour où je les déchausse. Et garder ce sourire, cette joie peut-être naïve, peut-être puérile, c’est finalement ce que je souhaite à chacun et chacune d’entre vous lorsqu’il ou elle quitte son engagement, c’est de pouvoir regarder l’avenir sereinement en se disant qu’on a fait de son mieux, avec son caractère, et qu’on peut regarder l’avenir sereinement en contemplant une équipe de qualité prête à nous succéder. C’est précisément mon sentiment aujourd’hui.
J’ai pris goût à cet engagement. J’y ai pris goût car il a du sens, ce sens de l’action qu’aucune autre activité n’égale, cette force parfois incompréhensible de se mettre au service d’autrui, pour faire avancer le monde. Cet engagement m’a parfois stressé, mais j’ai toujours confronté ce stress en mettant en face ses bénéfices sur le plan de l’avancement de convictions qui me sont chères que sur le plan personnel et notamment les amitiés uniques crées.
Parmi ces 26 années d’engagement dans le mouvement, trois années ont pris une place spéciale, par leur force, par leur intensité. Mais mon engagement unioniste ne s’y résume sûrement pas, tant j’ai conscience de la force des autres engagements que j’ai pris, et que j’ai eu tant de plaisir à exercer. Pour autant, ces trois années de présidence, m’ont conféré une fierté sans pareille, la fierté de pouvoir vous représenter. Bien sûr mon ancien métier m’a donné goût à la représentation, mais la fierté de parler de ce que nous savons faire, de ce à quoi nous excellons est une fierté inégalable.
Être président, ou être membre d’une équipe de bureau, c’est savoir faire des compromis, c’est savoir écouter, mais aussi décider. C’est savoir exprimer la vision du mouvement, sans se l’approprier, maîtriser ce que fait le mouvement sans en réduire la portée, soutenir une position collective de CA, même si on était pas forcément d’accord. Ce rôle n’est pas simple, mais je l’ai fait avec mon sens du scoutisme, ce sens qui consiste à faire les choses avec simplicité, conviction et écoute.
La fierté, je l’ai éprouvée aussi aux côtés d’une équipe forte, de mes acolytes de bureau, d’Elisabeth, de Gaby, de Julien, de Magali, de Suzanne et de Colin. Vous avez donné encore plus de sens à mon action. Et une personne en particulier a été déterminante, tant elle a œuvré pour notre mouvement, c’est Nadine. Derrière son sourire effacé se cache une personnalité que je connaissais en tant que bénévole mais que j’ai appris à découvrir en tant que professionnelle. J’ai appris son franc-parler, sa fougue et sa détermination sans faille au service de notre mouvement.
J’ai pris à cœur mon rôle dans mon équipe, et nous avons fait un beau chemin ensemble. Et je forme le souhait, pour chacune et chacun d’entre vous, qu’il vous soit donné de faire un chemin aussi beau au sein d’une équipe aussi soudée que celui qui a jalonné mes trois dernières années d’engagement au sein du bureau de notre association.
Deux thématiques m’ont tenu à cœur dans mon engagement au bureau, et elles sont au cœur de cette année écoulée de 2018.
La première est magique, la seconde c’est un sort que je vous lance.
La magie de l’engagement bénévole
Notre congrès, à Miramont-de-Guyenne, a montré à quel point notre mouvement élevait l’engagement au rang de ses valeurs les plus importantes. Cet engagement fait de nous des éducateurs et éducatrices, et non de simples animateurs et animatrices ou de simples prestataires.
Il donne un sens à notre action, permet d’exercer notre mission principale : celle d’élever les enfants qui nous sont confiés pour devenir des citoyennes et des citoyens responsables et engagés.
J’aime penser que notre version de l’engagement ne met pas la pression, qu’elle accompagne en douceur celles et ceux qui en voient leurs épaules recouvertes. Nous encourageons à l’engagement sans pour autant forcer qui que ce soit ni à un rendu quantitatif, ni à un livrable impersonnel. En effet, nous sommes fier·ère·s d’affirmer que chez les louveteaux et louvettes, on fait “de son mieux” chez les éclais on “ne fait rien à moitié”, chez les aîné·e·s “on va au bout de ses engagements”.
L’engagement version unioniste c’est surtout une formidable opportunité de donner à des personnes des responsabilités que d’autres organisations n’oseront pas leur confier. Et grâce à la confiance qu’on donne à ces personnes, on les met en situation de réussite. Ça c’est notre méthode. Et ça c’est de la magie, car dans d’autres endroits, les mêmes personnes peuvent se retrouver en situation d’échec, tout simplement parce qu’on n’a pas placé cette confiance institutionnelle dans leurs actes.
Le Professeur Dumbledore disait : “Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes.”
Nous faisons des choix forts, et nous permettons à chaque enfant qui nous est confié de faire ses choix à elle ou lui. Non pas les choix que nous jugeons bons pour tel ou tel enfant, mais bien le choix qu’il ou elle fera. Et le même paradigme s’applique aux adultes. Et c’est grâce à la force de ce choix accompagné que les aptitudes naissent.
Dumbledore était visionnaire.
Nous le sommes encore plus dès lors que nous avons non seulement compris que nos choix nous aident plus que nos aptitudes, mais qu’il appartenait à la collectivité de les valoriser, de les choyer, et de les faire briller pour inspirer d’autre choix, d’autres engagements. C’est le sens du travail de la commission Recrutement et Valorisation (la CoReV) qui mène un travail de fond pour valoriser les engagements dans le mouvement et réfléchir à la manière de rendre accessible au plus grand nombre cette potion magique de l’engagement.
L’engagement unioniste est aussi un élixir de jeunesse
Je n’ai eu de cesse de répéter que pour tout recette concernant la jeunesse il vaut toujours mieux la responsabiliser et non l’infantiliser.
Et pourtant, n’en déplaise à ce bon vieil Albus il semble que le ministère n’ait pas pris cette option…
Le projet de Service National Universel (SNU) tel qu’il est décrit aujourd’hui, est une imposture à la notion même d’engagement. Le simple concept d’obliger des jeunes à s’engager est paradoxal. En tout cas, cela est paradoxal avec notre manière de voir l’engagement.
Car l’engagement que nous proposons est une question de choix – ce choix fonde la démarche, et ce choix est la base qui permet de construire. Ôter ce choix, c’est nier la notion même d’engagement.
Mais peut être de façon plus sournoise, j’espère que nous défendrons notre modèle d’engagement volontaire, aux côtés de nos copains et copines du secteur associatif – et ce en toute humilité. Car le risque est grand à voir disparaître ce libre arbitre de l’engagement pour transformer la notion d’engagement en une case à cocher dans un parcours classique, case qui répondrait à un cahier des charges établi. À nous de lutter contre cette dérive.
Et à nous de lutter également contre la dérive qui consiste à faire peser sur la jeunesse la responsabilité de la non-mixité et des injustices sociales. Non, la jeunesse n’est pas responsable du défaut de brassage social et territorial, mais ce sont bien des défaillances des politiques publiques de notre pays, sur ce point.
Mais – c’est mon point de vue de citoyen – autant d’argent passé dans un projet flou, peu abouti, alors que de nombreux acteurs du secteur associatif et de l’éducation populaire le font mieux et pour moins cher, je trouve ça dommage !
Un sort bénéfique pour demain : un Rapport d’Orientation pour nous porter
Nous avons lancé une démarche de rédaction et d’adoption innovante à travers le tirage au sort d’une équipe. Ce tirage au sort permet d’impliquer toutes les strates de notre association, afin de proposer un rapport d’orientation (RO) qui nous correspond, et ne correspond pas seulement à une frange de personnes dont les préoccupations tout aussi légitimes soient elles – ne sont pas celles des responsables.
Pour ce rapport d’orientation, je ne peux que vous délivrer mes espoirs, car la formule magique vous appartient à vous.
Mais je ne résiste pas à vous dire quels sont mes espoirs :
Un RO court, pas trop intellectualisé, qui parle à tous et à toutes. Dans une démarche qui vise à rendre accessible à toutes et à tous notre projet, il serait dommage de faire de cette démarche pour la création d’un rapport d’orientation une démarche excluante. Peut être que j’enfonce des portes ouvertes, mais nous devons réfléchir de façon plus large à rendre notre action ouverte à tous et toutes, et non plus uniquement à celles et ceux qui s’expriment mieux que les autres. À travers nos actions de ces dernières années, nous avons cherché à donner la parole à toutes et à tous, et non plus laisser la parole concentrée entre personnes qui savent manier le verbe
Je caresse aussi l’espoir que certaines thématiques que j’ai eu à cœur de défendre ces dernières années seront toujours choyées dans le prochain rapport d’orientation. Bien évidemment, ces thématiques qui me sont importantes ne doivent surtout pas être exclusives d’autres, mais j’espère simplement que nous les garderons chevillés à nos principes.
Tout d’abord, j’espère que le scoutisme unioniste restera le lieu de vie en collectivité, de vie en équipe, de progression en équipe. C’est une démarche qui nous a parfois l’air simpliste, voire naturelle, mais dans la société d’aujourd’hui qui exclut l’Autre, qui cherche à uniformiser les visions, nous devons être celles et ceux qui affirment l’égalité de tous et toutes à faire des propositions, à les défendre. L’équipe permet une confrontation des idées, pourvoyeuse d’une richesse intellectuelle, et d’une plus grande fraternité.
Nos efforts dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes doivent être poursuivis. Nous avançons, avec l’aide de la Commission Mixité (CoMix), qui ne nous laisse jamais sereins et je voudrais lui rendre hommage – même si parfois j’ai pu être rustre avec elle. Bravo pour le travail réussi, et les revues “Amours et sexualités” que vous nous avez présentées l’an dernier – réclamées par de nombreux partenaires associatifs – démontre la qualité de notre réflexion. Il nous appartient de continuer à éduquer les enfants à ces thématiques, car le travail d’égalité entre les femmes et les hommes reste grand, y compris dans notre mouvement.
Nous avons également lancé un travail de plaidoyer et un travail éducatif sur la justice climatique. Avec notre Commission Climat et Convivialité (CoCliCo), nous clamons haut et fort notre engagement pour la lutte contre le dérèglement climatique. C’est le sens de l’Histoire pour une association dont le seul patrimoine nécessaire est la Terre et la nature que de se mobiliser pour la préserver. C’est par ailleurs dans ce sens que s’est mobilisée la commission Climat de la fédération protestante de France, que nous avons été invités à rejoindre et à laquelle nous contribuons.
Ainsi, les thématiques que nous portons trouvent un écho dans le monde protestant, ce qui est le signe d’un rapprochement fructueux avec l’Eglise. J’espère que notre mouvement continuera dans l’affirmation de son identité protestante, pour permettre aux enfants qui nous sont confiés de prendre le risque de la rencontre avec Jésus-Christ, sans forcer, sans brusquer qui que ce soit dans ses convictions. Aux côtés des instances protestantes, nous sommes heureux de contribuer à être cette “vigie de la république”. Mais au delà de la conception philosophique, nous avons pris l’engagement de porter des projets ensemble avec l’Église. Je l’avais lancé en rigolant il y a un an à cette même place dans mon rapport moral – voilà que cela est devenu réalité avec un investissement fort d’unionistes au sein du comité de pilotage du Grand Kiff 2020.
Bien sur, je pourrais continuer une telle litanie pendant des heures, et vous dire tout ce que je sais notre mouvement capable de faire. Mais je sais qu’il y a aussi bien des projets, bien des thématiques auxquels je n’ai pas pensé, et qui pourtant auront une importance fondamentale pour vous.
Rappelons nous simplement que ce rapport d’orientation sera la résultante de nos divergences de point de vue et que ce n’est que grâce à cette confrontation qu’il prendra du sens.
Et maintenant?
On me demande parfois de dresser un bilan de ces trois dernières années à la tête du mouvement. Je crois que c’est quelque chose de présomptueux, car je n’ai pas le sens d’avoir exercé un mandat seul, mais bien aux côtés d’une équipe de bureau.
Je crois que nous avons réussi à “dé-présidentialiser” la fonction. En effet, notre mouvement n’a pas besoin d’une figure de référence, mais d’une équipe inspirante, pour que d’autres équipes puissent aussi se construire ensemble et faire des projets. C’est tout le sens de notre projet.
Nous avons aussi – me semble-t-il – réussi à créer un climat d’apaisement dans le mouvement, pour permettre aux instances de se parler avec sérénité, de se comprendre et même de partager des désaccords pacifiquement – enfin la plupart du temps.
De même, le partenariat avec l’Eglise qui avait été noué avant 2016 a été poursuivi dans le sens d’une plus grande proximité, et de projets communs.
Nous avons également agi dans le sens d’une plus grande ouverture, par l’étude sociologique visant à déterminer qui nous sommes, la création d’une commission avec cette mission, le changement de notre structure de cotisations pour permettre au plus grand nombre de participer à nos activités. C’est l’un de nos chantiers pour demain.
Notre mouvement a su se projeter sur l’organisation d’un grand événement sans trop tarder, avec notre congrès en 2018. Ces événements sont un facteur de dynamisme pour notre association, et il faut maintenir le rythme en accompagnant des équipes, en leur faisant confiance pour l’organisation, car lorsque cette confiance est là, le résultat est probant.
La gouvernance enfin : nous en parlerons tout à l’heure. Mais le mouvement a avancé sur un sujet complexe, pour lequel chacun et chacune a une opinion différente. Il reste encore du chemin à parcourir, mais je crois que notre mouvement est à un moment où nous vivons une démocratie apaisée qui nous permet de faire des choix déterminants pour mettre en adéquation les ambitions démocratiques que nous portons avec notre organisation interne.
Remerciements
J’en ai presque fini – mais je ne pouvais pas clore ce dernier rapport sans remercier du fond du cœur quelques personnes en particulier qui ont eu une place extrêmement importante ces dernières années.
Tout d’abord, et c’est naturel – même si ça va mieux en le disant- mes premières pensées de remerciements vont vers Agnès, Noé et Gaspard. Heureusement que je me suis marié avec une femme qui connaît le mouvement, en connait sa profondeur et peut comprendre mon engagement. Je me demande parfois comment cela pourrait être autrement, mais je dois reconnaître que derrière mon engagement se cache un engagement aussi de femme – militante au surplus – pour me permettre de vivre le mien. Alors un grand merci pour Agnès, et puis pour Noé et Gaspard, qui ne connaissent pas encore le mouvement – quoique Noé ait participé à quelques CA – mais ils ne tarderont pas à connaître les joies qu’il procure.
Je voudrais aussi adresser mes plus sincères remerciements à mon équipe du bureau, qui a su composer avec moi, avec mes énervements, mes dépassements, qui a su me tempérer, me recadrer, m’aider, me comprendre. Ce ne sont plus des simples coéquipiers et coéquipières mais des ami·e·s, merci à elles et eux.
Le mouvement c’est aussi une équipe nationale impliquée, un conseil d’administration dynamique, une équipe de coordos compétente et disponible, des commissions forces de propositions, qui sont autant d’équipes fécondes au service du mouvement. Merci à tous et toutes pour votre action, mais aussi pour les moments que j’ai partagés avec vous, qui ont été source d’inspiration pour mon engagement mais aussi pour ma vie personnelle.
Et puis, merci à vous tous et toutes, à chacun·e de vous délégué·e·s à l’AG, qui vous engagez pour la démocratie, pour faire vivre cette fraternité unique que nous façonnons par notre méthode scoute unioniste. Je vous ai dit ma fierté, elle est très sincère. Continuez ainsi, ne laissez personne vous décourager ou vous dire que c’était mieux avant. Croyez en ce que vous faites, car vous faites ces projets avec votre sens de l’engagement, qui vous est unique et que personne ne pourra jamais remplacer. Et grâce à votre investissement, que je sais énorme, nous remplissons notre mission, celle de rendre ce monde un petit peu meilleur qu’on ne l’a trouvé.
Bravo à tous et à toutes et merci !
Pierre Msika, à Besançon le samedi 26 janvier 2019
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